SAÏGON
Tout cela est parti d’une petite sculpture d’ivoire achetée il y a bien longtemps à Saïgon. Alors mon esprit s’est fait la malle. Aujourd’hui, le Vietnam m’appelle. Hier, on l’appelait l’Indochine.
Et si partir là-bas est un rêve, ce rêve je le nourri chaque jour et chaque jour me rapproche un peu plus du but.
SAIGON
Un rêve d’ailleurs, un rêve de lointain, plus loin que je l’imagine,
Un rêve du Tonkin, un rêve de mousson, un rêve de moiteur,
Marcher sur les pas d’un petit Adjudant, parti en Indochine
Marcher dans cette ville aux mille parfums aux mille couleurs.
Pour tout vous dire M’sieur-dames,
Mes rêves aujourd’hui m’emportent au Vietnam.
Qu’on l’appelle «Perle de l’Extrême Orient », ou bien « Terre des Dragons »,
Ho Chi Minh d’aujourd’hui, hier s’appelait Saïgon.
Je veux marcher sur les pas d’un petit français de l’Armée de l’Air,
Parti il y a bien longtemps dans cette région d’Asie,
Qui pensait comme beaucoup, gagner cette guerre,
Garder française l’Indochine et s’en revenir au Pays.
Je veux de Hué à Saïgon fouler le bitume de la Route Mandarine,
Aller me perdre au Col des Nuages, là où la brume mange le sommet
Et déchirer un peu de ce brouillard pour apercevoir la Baie
Et puis grimper en haut de la montagne aux cinq collines.
Verrais-je à Da Nang le Pont du Dragon tout feu, tout flamme,
Enflammer de ses braises les eaux du Fleuve Han ?
Je veux voir d’Hanoï ses vietnamiennes et ses vietnamiens,
Leurs visages souriants depuis l’enfant qui joue, jusqu’au vieillard édenté,
Depuis la jeune fille en blanc jusqu’au paysan épuisé,
Et avant d’emporter leurs sourires, leur donner le mien.
Je veux me laisser charmer en décembre par les fleurs de Sénévés,
Ou au printemps assister à la floraison des pruniers.
Je voudrais tout connaître aussi des rizières,
Depuis le vert tendre des cultures
Jusqu’à la blondeur du riz mur ;
Manger du riz gluant dans des feuilles de bananiers,
Et boire du vin de riz comme là-bas on en fait ;
Troquer mes frusques frenchies contre un élégant sarong,
Et plonger mon regard dans le bleu de la Baie d’Halong,
Où les rochers de calcaire ressemblent à ceux de « Pandora »,
Ils semblent se balancer entre le ciel et la mer, et parfois,
Une jonque va se perdre dans la brume jusqu’au Delta du Mékong.
Tremblerais-je en marchant sur les poutres de ferraille
Du Long Bien Bridge, l’ancien pont « Paul Doumer » ?
Qui étire sa carcasse délabrée sur le Fleuve Rouge telle une misère,
La trouille je n’en doute pas me triturera les entrailles !
SAIGON l’Inconnue, SAIGON la lointaine, SAIGON attend moi,
Un jour je t’arriverai pleine de mes rêves et curieuse de te connaître,
Pousserai timidement la porte d’un marchand de souvenirs peut être,
Celle-la même que poussa en juillet 1955 un petit soldat.
Assurez-moi que j’irai au bout de mon rêve et qu’elle existe toujours
Et que même s’il a bien vieilli et porte aujourd’hui barbe blanche
Le vendeur de souvenirs lèvera la tête au bruit sec de la clenche,
Et s’inclinant légèrement il joindra ses deux mains pour me dire bonjour.
FIN
* Pandora : planète dans le film Avatar
Texte de Marina. N’oubliez pas de mettre votre commentaire. Merci.