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Les Voyages de Marina
23 décembre 2017

Princesse Bannou Pan Déï

J'ai toujours aimé les histoires de princesse. De Maharjas aussi. Alors, quand j'ai su que le Palais Pan Déï avait abrité une princesse, j'ai voulu savoir son histoire. J'ai Voulu voir sa tombe. Le palais n'est pas ouvert à tous. Cette histoire, je me suis peut-être laissée emporter, mais sachez que le Général Allard et la Princesse Bannou Pan Déï ont bel et bien habité Saint Tropez, et à part le mariage (je n'y était pas !) le reste est réel.

 

Princesse Bannou Pan Déï

 

bannou Pan Dei

 

 J'ai enfin retrouvé où ELLE reposait. ELLE, c'est la princesse Bannou Pan Déi.

 On pourrait presque commencer l'histoire ainsi,

 Il était une fois, un Général français né à Saint-Tropez, Jean-François Allard, Capitaine des Hussards aux côtés de Napoléon. Après Waterloo il partit pour la Perse. Il apprit le Perse et entra ensuite au service du roi Sikh du Panjâb Ranjît Singh. Devenu le second personnage du royaume il habita un palais et eut une escorte formée d'un régiment entier. À Chambâ, perchée à 1 000 mètres d’altitude au nord de l’Inde, le général et son armée assiègent la forteresse, annexent le royaume et capturent Bannu Pan Deï, une très jeune princesse hindoue. Fasciné par sa beauté, le général en tombe amoureux, lui fait donner une éducation et dès qu'elle en eût l'âge,(ou presque!!) il l'épousa selon les rites du royaume de Lahore. Il avait alors 40 ans, elle devait en avoir 12. Une enfant encore.

Bannou Pan Dei et Général Allard

Leur mariage donna lieu à de somptueuses fêtes. Des cérémonies fastueuses qui durèrent 1 mois. Maharajas, ranis, rois, reines, princesses foulaient les tapis des salons richement décorés pour l'occasion. Les salons en arcades étaient séparées par des colonnes de marbre et de porphyre soutenant des plafonds aux décors des plus inattendus, batailles à dos d'éléphants, sculptures de déesses et fleurs en touts genres. Les miroirs reflétaient les richesses des murs jusqu'aux plafonds. Pierreries et saris de soie se côtoyaient dans la fraîcheur exoique des patios. Tout ce monde paradait dans des jardins odorants d'où jaillissaient les eaux cristallines des multiples de fontaines en forme de lotus. De quoi parlaient ces Maharadjas ? De quoi peuvent-ils bien parler ? D' histoires de Maharaja bien sûr?

Bannou Pan déï avait pour ce jour revêtu sa plus belle tenue. Un sari de soie bordeau, brodé de fils d'or et d'argent. Un turban assorti laissait échapper de longues boucles noires qui encadraient le visage d'enfant qu'elle était encore. Elle allait quitter cette enfance pour se retrouver femme. Elle s'unissait à un général, elle, petite princesse, destinée sûrement à être mariée de force dès son plus petit âge à un Maharaja, vieux peut-être, bedonnant aussi. Mais son destin l'unit ce jour-là à un petit français, la quarantaine bien sonnée, qui portait fièrement une longue barbe blanche se détachantt sur des moustaches et favoris noirs et portait l'épee à la ceinture. Une ceinture dont la boucle était surmontée d'une énorme perle nacrée. Son habit de velours richement travaillé était gansé d'un tissu brodé de brillants. Lui, le petit tropézien, propulsé dans un destin hors du commun avait fière allure.

Et comme dans toutes les histoires, ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants.

 Au fait de sa gloire au Royaume de Lahore, une princesse pour femme et 4 enfants, bientôt 5, le Général à le mal du Pays. La France lui manque. Il lui hâte de rentrer. Il s’en ouvre au Roi (Ranjit Singh) qui lui donne son accord mais à condition qu’il laisse ses enfants à Lahore. Allard lui répond « mais Sire mes enfants, mais c’est pour eux que je veux aller en France pour qu’ils soient élevés dans la pratique de leur culte et dans le vœu de leur religion ». A ces mots, le roi ne résista plus.

Mais, la vraie raison était toute autre. Beaucoup plus âgé que sa femme il craignait de mourir au cours et au hasard de guerres. Il savait que Bannou Pan Déï restée hindoue et selon la tradition, devenant veuve, devrait alors faire sati. En Inde, le sati est le sacrifice rituel et publique des veuves, sur le bûcher funéraire de leur époux. Démontrent-elles, ces veuves devenues, en ce rituel la fidélité qu'elles portents à leur époux ; l'épouse est-elle consentante ou subit-elle des pressions ? Nul ne le sait. Triste sort me direz-vous. Ce sacrifice rituel et publique, a été aboli en 1829 pendant la colonisation britannique.

Et si elles ne se font pas sati me direz-vous, que deviennent-elles ? Eh bien, aujourd'hui encore, tenue pour responsable de la mort de son mari (car elle n'a pas réussi à retenir l'âme du défunt), la veuve est éloignée et condamnée à l'isolement. Elles préfèrent, à la mendicité, partir dans une des nombreuses « maisons de veuves »à Vrindavan . On y compte de nombreuses «maisons de veuves», dont les propriétaires indemnisent les malheureuses qui chantent, des heures durant, des prières à Krishna. Environ 5 000 femmes vivent ici en permanence.

Le gouvernement français facilita son retour (en 1836) à Calcutta sur un bâtiment de la marine nationale.

Leur retour en France prit l'allure d'un retour triomphal. Toute la presse en parla et les salons s'arrachèrent le Général. L'intelligence de la princesse et les exploits du Général faisaient couler beaucoup d'encre.

On évoquait les batailles, on voulait tout savoir sur l'Inde, sur les palais, sur les Rajas. Etait-ce vrai que les palais regorgeaient de richesses ? Etait-il vrai que l'élephant était l'emblème de l'Inde, qu'il était sacré et décoré aux couleurs des dieux ? Les réponses alimentaient les conversations de la Haute Société.

C'est à Saint-Tropez, son village natal qu'ils se marièrent civilement et qu'il installa Bannou Pan Déï dans un magnifique palais qu'il lui fit construire, inspiré des palais les plus beaux qu'il ait vu de Lahore à Punjäb. Un Saint-Tropez d' «avant ». Un Saint-Tropez qui n'était alors qu'un petit village de pêcheurs. La citadelle domine déjà la ville et le golfe. Le port abrite seulement les chalutiers. Les pêcheurs reprisent les filets à grands gestes de remaillage. A leurs côté des boîtes pleines de bobines de fils de couleurs différentes ainsi que plusieurs aiguilles de couturières qui vont leur permettre de accomoder les déchirures plus ou moins importantes.

 Le Palais était magnifique. Elle fit venir des Indes, des soieries colorées, des meubles plaqués d'argent, et des tentures magnifiques, des bois sculptés et incrustés d'argent, des baldaquins aux colonnes de bois retenant des mètres et des mètres de voilages transparents. Elle retrouvait ainsi un peu de son Inde natale et de son palais princier, un peu aussi de ce parfum du passé, les effluves orientaux, cette senteur poudrée du jasmin et des jardins aux milliers de roses.

Un général tient ses promesses. Allard repartit donc pour Punjat et ….... ne revint jamais. C'est à Peshawar que la mort le prit en 1839. Il avait 54 ans.

Son corps rapporté à Lahore reçut les honneurs militaires dans toutes les villes du royaume qu'il traversa. Il eut des funérailles nationales et fut déposé entre deux de ses enfants morts en bas âge. Il y repose encore.

Elle vécut dans le souvenir extraordinairement fidèle à la mémoire de son époux. Elle se convertit à la foi chrétienne et se fit baptiser dans la petite église de Saint Tropez. Le Roi et la Reine de France furent son parrain et sa marraine. Elle mena une vie remarquable en termes de voyages et dans la haute société européenne de l’époque. On l'admirait. On écoutait ses récits. Elle assura seule, avec l'aide de sa belle-famille, des amis de son mari et du Général Ventura, compagnon de route du Général Allard, l'éducation de ses 5 enfants.

Ses enfants étaient élevés désormais et avaient quitté le palais. La fidèle servante, Darana, qui l'avait accompagnée du Punjab décéda alors, Bannou Pan Déï resta seule entre les murs du Palais . Elle vécut entourée de ses souvenirs et n'acceptant jamais la mort de son mari, chaque soir, elle allait se promener sur la plage à attendre son retour à travers les temps et les Océans. De son palais à la plage, il y avait 2 pas. Deux petits pas. La petite plage l'attendait au bout de la rue. Elle aurait pû y aller les yeux fermés. Ses pas l'emmenaient toujours au même endroit. Rêvait parfois « Mon Général de mari, où êtes-vous ? N'entendez-vous pas mes appels à vous rejoindre ? ». Comme elle était loin de son Inde natale. Se souvenait-on d' Elle là-bas ? Elle, oui, elle se souvient de tout, mais n'avait jamais eu de regret. Sa vie avait été inespérée, bien remplie et admirable.

Que le temps à passé. Depuis combien de temps est-elle seule ? Que d'années écoulées sans le Général. Et puis Lahore est si loin. Si loin de Saint-Tropez. Elle sent que la vie lui échappe. La vie la fuit. Elle la laisse s'échapper sans la retenir. La mer, bien qu'Elle continue d'y aller tous les soirs, est sourde à ses prières. Elle s’éteint dans sa bastide de Saint-Tropez le 13 janvier 1884 dans sa soixante dixième année. Elle repose dans la crypte familiale de la famille Allard au petit cimetière marin de Saint-Tropez.

Sur la tombe, gravée en lettres d’or cette simple épitaphe « La Générale ».

 

TOMBE DE LA PRINCESSE jpg

 

Elle n'a rien d'un tombeau de princesse. Elle est là, près du mur du petit cimetière. La mer est proche. On entendrait presque le bruit des vagues. Les mouettes survolent en piaillant les croix de pierre. On voudrait presque dire : Chut ! La princesse dort !

Il est une légende qui dit que sur la petite plage de Saint-Tropez, quand tombe la nuit, on peut voir la silhouette d'une femme, vêtue d'un sari de soie voluptueux aux couleurs orangées d'un soleil couchant, qui semble attendre son amour, la tête tournée vers l'horizon. Parfois la mer lui ramène des voix que le vent aussitôt balaie. Ne la dérangez pas.

 Le Palais est toujours là, au cœur du village. Devenu un hôtel de luxe, qui évoque l'époque somptueuse des Indes coloniales, il est possible de dormir dans la suite de la Princesse. J'aurais voulu il y a quelques temps, un jour où le gros portail de bois était ouvert sur la cour intérieure , y rentrer. Vivre un peu de ce qu'avait vécu la princesse auparavent, mais, bien vite on m'a fait comprendre que c'était privé. Qu'en penses-tu Princesse ? Ces hommes et ces femmes pensent-ils à toi en venant dans ce Palais  ? Te connaissent-ils ou cherchent-ils à te connaître ? Vont-ils comme moi chercher ta tombe  ? Je me ferai souris un jour, toute petite souris pour parcourir les recoins de ta vie dans ce palais. Il y aura bien quelqu'un un jour qui me laissera pousser ce portail et marcher sur tes pas.

 

PALAIS PAN DEÏ

 

FIN

Le texte est de Marina. Les photos de la Princesse Bannou et du Général Allard sont sur Internet. La tombe et le Palais à Saint Tropez sont de Marina. N'ouliez pas votre commentaire. Merci.

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Commentaires
F
Trop belle cette histoire de princesse <br /> <br /> Mais que veut dire Pan dei?
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J
Vous auriez pu sans doute faire mention de quelques-unes de mes recherches et publications, dont ma thèse de doctorat d'état "La présence française dans le royaume sikh du Pendjab 1822-1849", soutenue en 1987 à Paris 3 Sorbonne nouvelle, publiée par l'Ecole Française d'Extrême-Orient en 1992 et couronnée du Prix Giles 1995 par l'Institut de France, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres (557 pages). Ou tout au moins du petit fascicule "Les Français au service du Maharajah Ranjit Singh", publié en 2012 par la mairie de Saint-Tropez pour son Année de l'Inde (63 pages, nombreuses illustrations en couleur). Vous auriez pu également signaler le très beau roman "Le Généralissime. De Saint-Tropez à Lahore..." écrit par Henri Prévost-Allard, descendant direct du général et de Bannou Pan-Deï, HC Editions, 2013, 512 pages... Enfin, vos quelques illustrations prises sur internet sont les miennes... Tellement de pillage dans ce petit monde! Mais votre petit texte est sympa... Vous vous êtes à l'évidence prise d'affection pour Bannou Pan Deï. Elle le mérite. Et cela nous rapproche. Bien amicalement, Jean-Marie Lafont
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